NLK ! #21 - D'un sang neuf

 

 

    De charmantes et non moins chaleureuses, mes biens chers trublions !

   En ce lundi/2 débute une ère originale qu’accompagnent une bourrasque de fraîcheur et une brise de renouveau. Et ce n’est pas pour rien, car avec ce billet s’entame la seconde saison de Nique la Kro ! NLK, pour les intimes.

    Oh, yeah ! Mes producteurs, en dépit d’une bien-portance toute relative, ont su me faire confiance pour redresser la barre et leur faire engranger des myons de galacto-dollars, sans que je touche un galacto-kopek, mais kess’tu veux, c’est l’ jeu, mon p’tit Ichor, c’est l’ jeu.

    Ainsi, c’est avec un immense plaisir mais les poches immensément vides que je me rembarque pour une nouvelle année à Niquer des Kro. Une chronique drôle, je l’ignore ; une drôle de chronique, ça, pour sûr !

    Quoi qu’il en soit, une nouvelle saison implique une nouvelle équipe. Car je me dois de vous le rappeler : mon travail consciencieux et précis – comme il se doit – ne se fait pas tout seul. J’ai – j’avais devrais-je dire – une équipe du bruit des éclairs pour me seconder dans ma tâche, ardue cela va sans dire.

 

    À l’aube de ce torride été, je vous laissais suspendus aux lèvres de mon cliffhanger [1] pas piqué des hannetons. Et je n’ignore point que l’attente fut longue. Un petit rappel des épisodes précédents s’impose concernant mes trois acolytes de toujours : Objectivité, Professionnalisme et Exhaustivité.

    Objectivité m’a refilé sa lettre de démission sous prétexte que je ne l’écoutais jamais. Ce qui est faux, bien entendu. Je l’écoutais mais ne prenais jamais en compte son avis. Faut pas traîner papi dans la ciguë. Je précise qu’après coup, ses deux chiards sont passés sous un bus, sa femme s’est barrée avec la factrice et son chien est mort d’une ignominieuse maladie. Il est venu pleurer, l’infâme. De ses grands yeux larmoyants, il me suppliait, l’ignoble. Mais je suis droit dans mes bottillons et n’ai qu’une ou deux paroles. Je lui ai donc rétorqué qu’il n’avait qu’à aller voir Paul. « Paul ? » qu’y m’dit. « Yup, Paul emploie », que j’ lui réponds. Haha. Vous auriez vu son visage se décomposer en une flaque de déconfiture mélangée à de subtils relents de haine.

    Vous vous doutez dès à présent que je n’ai pas engagé Humour.

    Exhaustivité, je l’ai virée moi-même. Je ne goûtais point sa volonté de toujours en rajouter, voir les différents points de vue, prendre en compte tous les facteurs, faire des listes… Des listes, mes aïeux ! Non, mais on aura tout vu. C’est donc sans ambages mais avec des ronds de jambes que je lui ai bottée les fesses. Elle travaillerait à France Télévision, maintenant. Mais t’inquiète, encore moins de monde l’écoutera là-bas.

    Restait Professionnalisme. Malgré sa détestable habitude de déverser ses miasmes dans mon esgourde après un verre de trop, je l’aime bien. Lui non plus je ne l’écoute pas, mais sa présence à mon côté se révèle rassurante et me sert également de faire-valoir. Alors, malgré quelques réticences, il m’accompagnera une année supplémentaire.

 

    Néanmoins, soyons clair, il s’avère difficile de constituer une équipe avec un seul membre. X-men s’appellerait X-man et n’y figurerait que le professeur Xavier. La ligue du gentleman extraordinaire ne le serait pas autant. La brigade du Tigre, deviendrait le brigadier du lol-chat… Enfin, vous me comprenez : il me faut un certain nombre de side-kicks sur qui rejeter la faute en cas de problème. Je me résolus ainsi à passer des auditions et envoyai une petite annonce aux quatre vents de la toile internettienne :

Cherche allégories motivées pour travail d’exception. Fortes personnalités et caractère appuyé recommandés. Muets, de préférence. Payés à la volonté de l’employeur et travaillant 49 heures/semaine sans rechigner.

   

    Avec une telle générosité, que tout travailleur qui se respecte serait dingue de refuser, les lettres de motivations et les cévés  prestigieux ne tardèrent point à affluer sur mon bureau.

Je les jetai tous à la poubelle – je n’ai pas que ça à br… outer –, et je reçus ces charmantes personnes dans mon boudoir [2]. Un coup d’œil et une poignée de main ferme, voilà ce qu’il me faut pour juger la valeur d’une personne.

    Les premiers à se présenter auraient plutôt dû monter un groupe de black metal à tendances suicidaires : Amertume, Désillusion, Désespérance et Fatalisme. Ils ne souhaitaient pas être séparés et, malgré la pertinence de leurs arguments ainsi que leurs cheveux longs du plus bel effet, je les dégageai manu-pacificari.

    À leur suite s’avancèrent plusieurs personnes en solo : Ponctualité – trop de rigueur ; Politesse – bavarde à en pleurer ; Politiquement Correct – insipide ; ou encore, Pusillanime – que j’avoue ne pas bien comprendre pourquoi il se retrouvait là. Ces derniers, j’osais à peine leur serrer la main tant je savais à quoi m’attendre : molles et suintantes… Brrr, j’en ai des frissons rien qu’à l’écrire.

    Je commençais à me décourager de trouver des auxiliaires de qualité quand s’avança un petit homme à la moustache folle et au crâne rasé. Il portait une robe safran et ne parlait que sous forme d’aphorismes. Je fus très intrigué à son approche. Il s’installa dans mon fauteuil en peau de vache, celui avec les képis encore incrustés, remit sa robe en place avec des gestes délicats, puis déclama :

    « La vie vaut-elle d’être vécue si l’on n’est (accompagné)2 ? »

    Je fus subjugué par la puissance de cette mise en bouche, cela va de soi.

    « Quel est votre nom monsieur ? Je vous engage sur l’heure ! lui annonçai-je d’objectif en albâtre.

    — Indira Einstein. »

    J’avais déjà eu l’heur de lire son nom à maintes reprises.

    « Vous êtes la personne à l’origine de toutes ces mémorables citations que l’on aperçoit fleurir sur les réseaux sociaux ! Je serais honoré de vous avoir à mes côtés ! Je suis toujours à la recherche de bons mots pour conclure mes subtiles chroniques.

    — Ainsi en sera-t-il, car, comme Confusion l’a édicté, aussi immense le monde soit-il, il  reste dérisoire comparé à l’infini du multivers. »

    Je sens qu’il va vite me les briser. Toutefois, au milieu de ce ramassis de boulchiteries, peut-être trouverai-je les rares perles qui me mèneront à l’éphémère panthéon de la gloire internettienne.

    J’avais à présent deux sbires ; ne m’en restait qu’un à dégotter. Les auditions se poursuivaient sans que se dégage un potentiel candidat à ce poste d’envergure. Désespérance devait squatter dans le coin, car je humais son effluve putride.

    Une nuit, alors que je me décidais enfin à clore ces rendez-vous stériles, l’on frappa à ma porte. L’heure était indécente et les coups, discrets : j’ouvris donc. C’était une femme, vêtue d’un complet fuligineux aux ourlets aile-de-corbeau, avec de grandes lunettes de soleil noires sous un chapeau sombre. Élancée et magnifique comme je n’en avais jamais vues. Elle bascula ses lunettes sur le bout de son nez délicat et me dévisagea avec un sourire à peine esquissé.

    « C’est avec une gueule comme la vôtre que vous comptez trouver des personnes pour votre “travail d’exception” ? » entama-t-elle d’une voix suave et teintée d’ironie.

    J’en restai bouche béante. Ne sachant que dire, je la contemplai, le cerveau en coton et le cœur en nage. Elle repoussa le battant et pénétra dans mon vestibule en ajoutant :

    « Vous n’allez pas me laisser faire le pied de grue pendant des heures… On couche ensemble et j’ai le poste ?

— KrbrkzZrt ?! » fut la seule chose que je parvins à répondre.

    J’avais, dans la journée, reçu Bienséance et Probité... De fieffées imbéciles hypocrites, si vous voulez mon avis. Je refermai donc la porte derrière elle et l’accompagnai jusqu’à ma chambre.

    Passée une nuit dont je vous épargnerai les péripéties, avachi sur mon oreiller en poil de lol-chat, je lui demandai enfin son nom.

    « Cynisme », me susurra-t-elle dans mon esgourde.

    Je dois vous l’avouer, je préfère ses miasmes à ceux de Professionnalisme, et en voilà une que je vais sans aucun doute écouter de toutes mes oreilles.

 

    Enfin, mon équipe se trouvait au complet. Et, devant les défis qui jalonnent mon parcours vers la gloire immortelle que convoite tout écrivain, ils n’étaient pas de trop. Je vous l’assure.

    En attendant un véritable sujet, sur lequel mes acolytes travaillent d’ores et déjà d’arrache-main, je m’en vais de ces doigts conclure :

À la revoyure !

L’ichor



    [1] Littéralement : suspendu à la falaise. Le cliffhanger est un procédé désormais amplement répandu, particulièrement dans les séries télévisuelles, qui implique une mise en suspense de l’auditeur/spectateur par un rebondissement dramatique et/ou l'interruption d'une action en cours… si possible avant chaque page de publicités. Un procédé assez détestable, s’il en est.

     [2] …et je boude souvent. Il me fallait donc, dans ma masure métaphorique, une pièce à cette image.

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Commentaires: 2
  • #1

    Andréa (jeudi, 01 octobre 2015 21:58)

    Ouiiii ! Le premier épisode de cette nouvelle saison !
    Oups ! Dire que j'ai failli confondre Cynisme et Sarcasme ! Des cousines à ne pas en douter. J'éviterai ainsi de me prendre une remarque narquoise pour ma bévue. ^^
    Et sinon, une citation pour la fin de mon commentaire ?
    Le monde ne tourne par rond, mais en ellipse, voilà pourquoi il vaut mieux que celle qui n'a rien à dire s'éclipse et que laisse la place au spécialiste de cette chronique !

  • #2

    L'ichor (vendredi, 02 octobre 2015 11:23)

    Cynisme et sarcasme se confondent aisément. J'ai en effet ouï dire qu'elles étaient cousines (ce qui m'enchante au plus haut point, cela va sans dire).
    Et ... Ah, indira Enstein me glisse dans l'esgourde qu'il reste admiratif devant ton aphorisme. Félicitations !
    Merci pour la lecture!