Mes artificieuses salutations, lecteurs, lectames et lectelles !
Durant mes promenades dominicales au gré de pittoresques parkings et d’authentiques autoroutes [1], j’entends souvent les gens m’interpeller : « mais où donc as-tu dégotté le nom de ton site ? Il est vraiment exceptionnel ! Tellement riche de sens et empli de poésie cachée. »
Bon en fait, non, personne ne m’en cause de mon intitulé. Néanmoins, j’aime à penser que si les gens le faisaient, ils m’en parleraient ainsi.
Et donc, telle une confiture bon marché par trop liquide, mon marronnier bimensuel s’étalera sur : « Ichor Putride, d’oukséksa vient ? »
Eh bien, vous me voyez ravi d’enfin poser cette question. Je sais, estimé(e) lecteurice, qu’elle vous titille le bout des papilles depuis un moment. Elle vous démangeait, vous chatouillait et vous grattouillait l’occiput d’insistante façon, j’en suis persuadé.
C’est une histoire à la fois fort longue et bien peu intéressante, je vous l’assure. Vous en avez déjà le vin à la bouche ? Eh bien, sachez que je ne vais pas tarder plus longtemps à satisfaire votre vaine curiosité.
J’entame par un fait d’importance, car il me faut clarifier mon propos avant que je n’entende depuis le fond de la salle :
« Ichor ? Comme dans ‘‘chuchotons ce chant chuintant dans ce charmant champ d’échalotes’’ ?
— Non point du tout, plutôt comme dans ‘‘la chorégraphie de cet arachnide psychotique s’échinant à s’extirper de sa chrysalide chromée perturbe par ses échos cet archaïque échidné schizophrène.’’ »
* Laisse une petite pause de circonstance vous permettant de déceler l’intrus dans cette dernière phrase, puis de relire, pour enfin comprendre qu’il n’y avait rien à comprendre. *
Premier point : le ‘ch’ d’« ichor » se prononce ‘k’ .
« Ben pardi ! on est ben content de l’ savoir, mais quoi qu’ c’est-y don’ qu’ ça veut ben dire ‘‘Ikor’’, macarel ? » me demanderiez-vous si vous étiez une vieille dame habitant la haute-Ariège.
La grande majorité des 22 567 dictionnaires que j’ai feuilletés pour l’occasion s’accordent sur cette définition du mot ‘ichor’ :
Pus sanguinolent et fétide s'écoulant d'une plaie infectée ou d'un ulcère.
Mmh... J’espère que, tout en parcourant ces modestes lignes, je vous surprend en train d’apprécier un délectable repas de fruits de mer.
La petite minorité des ouvrages consultés, à savoir 1 344, évoquent l’étymologie de ce mot : le sang divin dans la culture antique Hellène. Et ça, ça me plait, car je n’en avais aucune idée au moment de mon choix. D’ailleurs, autant l’avouer, à mes quelques sombres heures de narcissisme aigu, je me sens effectivement comme une déité évoluant parmi les humains. Un demiurge putrescent, certes, mais un demiurge tout de même.
Je procède à une courte pause dans mon fascinant récit pour consulter la pléthore de messages reçus en réaction à mes propos. Voyons voir… Ah ! En voici un qui n’exprime que la pure vérité et semble résumer de subtile manière la situation :
« Vous nous entretenez de fort belle façon avec votre verve enjouée, messire scribouilleur, mais cela ne répond toujours pas à notre interrogation initiale : pourquoi donc ‘‘ichor putride’’ ? Nous sommes suspendus à votre plume ! »
C’est fort bien dit, mais à présent, vous devriez descendre, je vais en avoir besoin pour la suite.
* Secoue les impudents qui ne voulaient point quitter sa plume *
Remontons à présent aux origines de ce titre. Il m’arrive parfois de titiller du fader et d’émoustiller des potards [2] pour en ressortir, ô merveille, du bruit rythmé. Dès lors, j’eus l’occasion d’en faire profiter un public d’allègres drilles et d’espiègles énergumènes. Ainsi, j’endossai un « alias de scène », Terpsikore [3].
Ce nom, 95% des gens ne savent pas l’énoncer correctement :
« Eh salut, c’est toi StrepsilKore ? » (sic).
À présent, vautrons-nous encore avec délectation dans les méandres de l’antiquité grecque. Terpsichore est l’une des neufs muses. Mais si, vous savez : les filles de Zeus et Mnémosyne dont si peu sont capables d’énoncer les noms, à l’instar des sept nains ou des douze travaux d’Hercule. Et pas n’importe quelle muse ! Celle de la danse et de la poésie lyrique, disciplines plus qu’adaptées au joyeux capharnaüm musical évoqué plus haut, non ?
Réalisons de nouveau un infime aparté. Au cours de mes recherches (Enfin, celles d’Exhaustivité, comme d’habitude), je tombai sur une quasi-anagramme de mon nom de scène rarement usité dans notre idiome, et je vous le fais découvrir (ou pas) : le pétrichor, l’odeur de la pluie sur la terre sèche. Évocateur, non ? Je suis certain que lors de votre prochaine balade sylvestre perturbée par une ondée estivale, vous saurez l’utiliser à bon escient.
Revenons à nos ovidés. Eh bien, nous voici bientôt parvenus à destination ! Ce nom donc, que tout le monde écorche comme Buffalo Bill les jeunes dames dans Le silence des agneaux, fut raccourci en « Terps » pour les intimes, plus simple à appréhender par le commun des mortels (Vous. Oui, vous !).
Restait donc Ichor. Ce mot, je l’affectionne. Et puis, je détestais le laisser traîner là, tout seul, à se morfondre dans une obscurité glaçante. Alors, je le recyclai en usant d’une tautologie [4] : Ichor Putride.
J’apprécie de penser que mes mots dégoulinent parfois d’un fluide gorgé de pus et d’humeurs délicieusement moisies, même si, la plupart du temps, ils suintent seulement d’un humour bancal et d’une utilité plus que relative, à l’image de cette chronique que vous venez de parcourir.
Voilà, vous savez tout ! Ne vous avais-je point prévenus que cette histoire était fort longue et bien ennuyeuse ? Vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même de ne pas, d’emblée, être passés à autre chose. Néanmoins, à présent que vous m’avez subi jusqu’au bout, je ne peux que m’incliner devant votre obstination et vous octroyer mon habituelle conclusion :
À la revoyure !
Arno
Illustration : L'iconographie qui n'a rien à voir avec le schmilblick fut réalisée à l'aide de quelques uns de mes doigts
boudinés.
Chronique à retrouver sur le blog d'Unfamous Resistenza.
[1] Merci Vinci ! Sans vous et votre formidable politique humaniste et désintéressée, je ne pourrais m’adonner à l’un de mes plus grands plaisirs. Avec de croquants éclats d’ironie dans le dedans du cœur de la meule.
[2] Ces termes barbares, « fader » et « potard », sont tirés pour le premier de l’angliche « atténuateur » et pour le second, de « potentiomètre ». Ce sont ces boutons que tout DJ digne de ce nom fait mine de toucher à grand renfort de gestes outranciers tout en levant périodiquement le bras ou en écoutant d’un air affecté l’une des oreillettes de son casque négligemment posé de travers sur son crâne.
[3] « Alias de scène »… Un bien grand ensemble de mots, étant donné que nous jouions la moitié du temps les pieds dans la boue.
[4] La tautologie n’est pas l’étude des blagues de piètre qualité, ni celle d’un groupe de musique rock des haties, ni celle des anarchistes autonomes. Qu’on se le dise.
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deslac.dea@gmail.com (lundi, 25 mai 2015 20:57)
Eh bien !
Que j'en aurai appris des choses ! Sur le ch=k, sur la muse, sur l'odeur de la pluie, sur le fait que le sang divin est en fait un jus putride, suintant et vicié (après tu m'étonnes que les civilisations de l'Antiquité soient tombées avec des divins protecteurs pareils !...) Et j'ai même appris des trucs sur les DJ. ^^
Désormais, ce grand mystère sur lequel je n'osais jamais posé la question à voix haute, mais qui effectivement me taraudait est levé ! Je me coucherai moins bête et l'esprit apaisé ce soir.
Merci pour ce cours magistral (et nullement ennuyeux), Terpsikore