- De l'Ariège et, parfois, de les Ariégeois -
De suintantes et moites salutations, mes biens chers acolytes de gaudriole.
Suite à mon homélie sur l’Alsace [1], des gibillions de lettres de protestation me sont parvenues – tant et si bien que ma factrice m’exècre avec passion. Comme quoi, c’était là-bas qu’on trouvait les villages les plus fleuris, que, quand même, les saucisses, elles étaient succulentes, et que je finirai sans doute dans la choucroute quand je reviendrai.
Alors plutôt que de me ré-excuser, je m’en vais à présent glorifier mon département d’origine, car oui, n’en doutez plus, l’Ariège est glorieuse.
J’ai déjà évoqué les Belges égarés sur la route de l’Espagne, alors cessons d’emblée toute resucée de vieilles blagues et penchons-nous sur la géopolitique de cette région enviée par tous mais seulement connue d’un petit nombre d’élus.
Malgré ses fantastiques qualités, Il existe peut-être parmi mes estimés lecteurs et sensationnelles lectrices des gens qui ignorent où est l’Ariège… voire ce qu’est l’Ariège.
Je m’en vais de ces fluides mouvements de doigts rectifier cette lacune impardonnable. À la base, l’Ariège est une rivière (aurifère, d’où son petit nom). Elle prend source
dans les Pyrénées (les montagnes) et se jette dans la Garonne (le fleuve) aux alentours de Toulouse (la ville). Le département, 0-9 represent, étale ses vertes vallées entre l’Andorre, la Haute-Garonne, l’Aude et les Pyrénées Orientales.
Sa plus grande ville ? Pamiers, ~25 000 habitants ; la seconde ? Foix, la préfecture, avec à peine 10 000… Ce n’est pas le département le plus paumé de notre bô pays, mais pas loin (merci la Lozère d’attirer encore moins de monde).
En réalité, j’ai beau dire, voilà pourtant un point positif, car tout le monde sait que le monde, c’est que des relous.
82% d’agriculteurs, 28% de rugbymen, 15 % d’analphabètes, 56% d’alcooliques, 29% de hippies [2], quelques gens normaux et de plus en plus d’enc…apsulés qui votent Front National [3] (mais toujours moins qu’en Alsace). Voilà une donnée qui devrait engager les gens à venir s’installer par chez nous. D’autant que s’ils prennent un jour le pouvoir, je vous promets que ce sera le premier département à faire sécession.
Sa proximité avec l’Andorre, terre de montagnes d’alcool et de tabac, en fait un passage très fréquenté en certaines périodes. Néanmoins, comme le souligne ce proverbe du cru, « l’Ariège, les étrangers la traversent, mais ne s’arrêtent jamais… et c’est tant mieux. »
Vous vous demanderez peut-être qu’est-ce qu’un étranger pour un Ariégeois ?
La définition en est simple et je vous renvoie à la chanson des Têtes Raides, Ennemis : « t’es pas de notre village, t’as pas les mêmes sabots que nous, t’as rien à faire par chez nous. » Ce qui a le mérite d’être clair.
Comme pour tout département dont l’économie repose sur le tourisme, les instances gouvernementales ariégeoises ont désiré attirer le chaland peu au courant de son fait, et ce, à l’aide de slogans percussifs et catchy. En voici un florilège des dernières années.
L’Ariège, ça monte, ça descend, ça n’est jamais plat (exceptée la vallée, hein, mais bon).
L’Ariège, Les Pyrénées avec un grand A. Mouef, pourquoi pas.
Ariège, terre courage.
…
Oui, « Terre ». « Courage ». Le slogan le plus pitoyable de l’incroyable Histoire des slogans. Je vous rappelle en passant que des gens ont
perçu une contribution monétaire pour leurs brillantes idées. Ça donne parfois envie de devenir sloganiste.
L’Ariège, terre courage, certes, mais aussi contrée d’origine de stars internationales comme …Euh, Fabien Barthez ou… Ben, Fabien Barthez. Ne disais-je pas que l’Ariège était glorieuse ?
D’ailleurs, quand je parcours la (courte) liste des célébrités Ariégeoises de wikipédia (19 personnes en tout et pour tout), la moitié, je ne les connais pas, l’autre, seulement parce qu’ils ont donné leurs noms à des collèges, lycées, musées ou voies des métropoles du département.
On notera toutefois la présence du pape Benoît XII. Pourquoi le noter ? Je l’ignore. Mais un pape, quand même, ça en pète un max.
L’Ariège, le seul département où l’on m’a parlé de « troncks » d’arbres (sic). Vous le savez peut-être, dans le sud, nous prononçons toutes les lettres des mots, au mépris total de la sonorité. Malgré tout, ça se comprend, pourquoi avoir introduit des lettres si ce n’est pour les énoncer à haute voix ? Je vous le demande.
Outre le fait que l’Ariégeois ne différencie en aucune façon les ‘é’ des ‘ai’ et les ‘ô’ des ‘au’ – comme tout bon sudiste qui se respecte –, l’on pourrait qualifier son accent d’« à déchiqueter à la tronçonneuse ».
Tant que nous sommes plongés avec délectation dans le merveilleux monde de la linguistique, évoquons « Macarel ! », l’expression désuète et traditionnelle du cru. Elle
s’utilise comme ‘Putain’ dans le midi, c'est-à-dire à toutes les sauces.
Terminons notre petit tour par la gastronomie. Comme dans beaucoup d’endroits de notre vallonné pays, elle reste populaire, simple et roborative. Je ne citerai que deux
plats du coin : le millas, une préparation à base de farine, de beurre et de sucre frit à la poêle que l’on mangeait lorsqu’on abattait le cochon. Un plat léger donc, qu’accompagnera à
merveille une sauce à base de graisse d’oie. Et la mounjetado, le cassoulet ariégeois. Les mounjes étant le petit nom affectueux donné aux haricots. Une nourriture fine, équilibrée et recherchée, je vous
l’avais dit.
J’entends déjà certains d’entre vous ironiser : « Ah, ben c’est facile, hein ! À ce rythme, avec 95 départements, t’es pas près de tomber à court de sujets de
chroniques, vil charlatan. Sans compter l’outre-mer. »
Certes, mais je ne parle que de ce que je connais. Si je devais aborder l’Oise, par exemple, je serais bien embêté, car j’ignore tout à fait où cela se trouve. Je
l’aurais placé vers le nord. Mais pour l’Ariégeois, le « nord » englobe tout ce qui est au-dessus de Toulouse sur une carte. Vous pardonnerez donc mon inculture et moi, je m’excuserai
auprès de tous les oisifs qui me lisent, et je sais qu’ils sont nombreux.
En définitive, l’Ariège s’avèrerait géniale, si n’étaient les Ariégeois. Ce qui ne m’empêche point de clamer haut et fort notre glorioleux hymne, Ariejo moun païs,
au rythme du balai de mon voisin du dessous qui ne l’entend que trop de cette oreille.
Si, après cette présentation dithyrambique, Cousin Alphonse ne remplit pas enfin son hôtel-bar-restaurant du pic des trois saigneurs, je lui rendrai son argent. Sur ce, je vous profère :
À la revoyure ! (macarel !)
Arno
Illustration : A4.Putevie, http://putevie.over-blog.com/
[1] Confère le Nique la Kro ! n°10 et sa pertinente autant qu’objective homélie sur l’Alsace.
[2] Le fin mathématicien aura ici remarqué une incohérence quant à ces chiffres. Eh oui, comment peut-il y avoir 200 % de population en Ariège ? Eh bien, comme toute statistique ou sondage d’opinion, celle-ci ne vaut pas grand-chose car les catégories se recoupent.
[3] Si je devais m’avancer, je supputerais que ce chiffre se trouve en directe corrélation avec celui des analphabètes. Et pardon à tous les frontistes qui lisent ces lignes. Ah ? Non. En fait, non. Allez tous vous faire fou…gère.
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Andréa (lundi, 13 avril 2015 13:59)
Au vu de l'affiche officielle, peut-on en déduire que c'est une terre d'agnelles qui ne prénomment Agnès ? Cela expliquerait bien des choses sur l'univers de tes romans.
ichorputride (lundi, 13 avril 2015 14:42)
Héhé, nan j'ai bien un faible pour les "agnes", surtout celles en exo-squelette de chêne (comprenne qui aura déjà lu certains de mes textes non publiés, à savoir peu de gens), mais ça n'a pas grand chose à voir avec l’Ariège.
Je dois avouer que je suis allé piocher l'illustration dans les archives de mon illustrateur d'ami, sans qu'il y ait de réel lien. à part la nature, les fleurs... et le texte que j'ai subtilement rajouté.^^