Le Vampignon

Oyez, Oyez braves gens !

Geignez, gentes dames !

Hurlez, gentils messieurs !

Mais, surtout, priez !

Car je m’en vais vous conter l’incroyable autant qu’infortunée histoire du

Vampignon !

Taaa DAa ! DAAAAAAMMmmmmmmmmmm ! (descente de basse) ♫♪

 

   Il était une fois, dans une forêt à la noirceur absolue et aux sous-bois plus sombres encore, un champignon rien moins que normal qui profitait d’une existence des plus banale. Il s’abritait au pied d’un gigantesque chêne biscornu aux feuilles fuligineuses et vivait heureux comme seule une excroissance de mycélium peut l’être.

    Vint le jour malencontreux où une chauve-souris affligée de la bien fâcheuse tare qu’est la curiosité passa par là. Pour se changer de son ordinaire à base d’insectes disgracieux, l’animal eut l’idée incongrue de croquer un morceau de notre eucaryote pluricellulaire préféré. Très peu à son goût, elle recracha le bout de côté telle une gorgée malvenue de cendri-bière.

   Outre sa méchante curiosité, la chauve-souris se trouvait aussi porteuse passive du virus de la vampirilite. Dois-je vous le dire : une belle ignominie que voilà.

   Après avoir recouvré ses esprits – perdus suite à la privation d’une part de son anatomie –, le vampignon nouvellement venu au monde, ni une ni deux, saisit le cou de son agresseur pour y mordre à pleines canines et se régaler de l’intégralité de son sang. Il parvint ainsi à régénérer son corps de rêve et songeait déjà à la délectation que lui apporterait sa prochaine victime.

   La curiosité est effectivement un vilain défaut. Mais là n’est point la morale de notre histoire. Car le vampignon avait beau bénéficier de bras, au bout desquels s’agitaient avec grâce des mains dotées de pouces opposables, ainsi que de dents aiguisées à fendre l’air en tranches, il n’avait qu’un pied. Qui plus est, un pied enraciné dans la terre profonde, au fin fond d’une sylve ténébreuse où aucun voyageur ne daignait s’aventurer – ce qui se révèle un problème lorsque l’on se trouve accro au tartare de boudin.

   Les jours défilant, notre immortel fongus hémoglobinophage ne put subvenir à ses besoins sanguinolents et il dépérit. Il s’anémia tant et si bien qu’il se racornit jusqu’à ne plus être qu’une enveloppe décharnée, vide de toute substance. Si bien et tant, que plus personne ne put reconnaître en lui l’ancien sporophore plein de vitalité que tout le monde adorait – ou que tous auraient adoré s’ils l’avaient connus.

   Ainsi, il ne mourut jamais et vécut, désespéré, des éons entiers sans revoir une autre goutte du précieux liquide carmin.

   Et la morale de ces lignes, estimés lecteurs, est donc la suivante :

   Sérieusement ! Ne vous laissez jamais mordre par ces saletés de chauve-souris !

… Surtout, si vous n’avez qu’un pied enraciné dans la terre.

   Vous serez prévenus.

 Arno Grocagne

Eul 15 d’octob’ eud l’an 2014

Modifié eul 13 de janvier eud l'an 2015

 

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