NLK ! n°20 - D’un été sans surprises


     D’abrutissantes et transpirantes civilités d’usage en ces jours de fraîcheur, mes farouches et fringants lecteurices.

     Vous me découvrez en cet instant dans une panade point très onctueuse, voire terriblement poisseuse. En effet, me voici dépourvu d’inspiration, groggy que je suis par notre étoile. [1]

     Ma dernière chronique de la saison se devrait pourtant de marquer les esprits durablement, de vous donner à réfléchir en attendant septembre, que vous en ressortiez plus grands, plus forts et plus beaux… Ou, en tout cas, un peu moins cons. Je vous sais néanmoins d’ores et déjà dotés d’une élégance rare, d’une musculature de circonstance et d’une taille adéquate, alors le choix s’avère ardu.

    En outre, ma muse s’est carapatée en compagnie des moires faire la tournée des îles hellènes pour soutenir Syriza. Lorsque je lui reprochai son soudain abandon, elle rétorqua :

     « Qu’ouïs-je ? Un sujet pour ta chronique ? Hé, ho, t’en as pas marre de perpétuellement te reposer sur moi ? Ben, tu peux toujours gambader, Dugland, c’est l’été, là ! T’as qu’à demander à Objectivité ! »

     Objectivité m’a présenté sa lettre de démission, hier. Comme quoi je n’écouterais jamais ses conseils et qu’elle en avait plein le derche. Exhaustivité, je préfère avoir le moins possible affaire à lui : il est chiant à en butter l’ennui.

      Ne me restait qu’un unique espoir : Professionnalisme. C’est dire la mouise dans laquelle je pataugeais.

     Le lendemain, jour de beuverie avec les collègues, entre deux langoureuses gorgées de whisky sur le rocher, il me susurra dans l’esgourde (oui, il fait ça, Professionnalisme) : « Et si tu parlais des vacances ? Voilà une thématique de saison. »

     Oui mais non, les vacances c’est un peu bateau, me semble…

 

    « Et alors, L’ichor ? De quoi donc vas-tu nous causer ? » vous entends-je vociférer dans mon autre esgourde.

    Eh bien, je m’appuierai sur l’expertise des journaleux de télévision qui, période oblige, n’évoquent jamais, ô grand jamais, de sujets d’importance.

     Qui a envie de s’offusquer d’une loi sur le renseignement liberticide, réponse à une attaque contre la liberté d’expression ? Qui pourrait, en cette saison bénie, vouloir dénoncer un traité transatlantique propre à ruiner en un tour de main toute maigre avancée sur la composition de nos assiettes et sur la souveraineté de nos états en matière de santé publique ? Qui souhaiterait s’indigner d’une loi bâillon mise en place en Espagne pour empêcher toute contestation populaire ? Qui apprécierait de se voir imposer un discours sur l’hyper-connectivité de notre société déconnectée de la réalité, sur l’individualisme forcené et programmé, sur l’humain augmenté ou encore, sur la singularité ?

     Hein, Je vous interroge ?

    Personne, bien sûr ! Oh, non… Nous bénéficions de cinq loooooooongues semaines de congé par an. Faudrait pas venir nous les gâcher avec d’abscons sujets dont la plupart des gens n’ont que fou… gère.

     Nonnonnon. Voilà bien des thèmes sur lesquels je vous épargnerai mes pensées aussi vaseuses qu’une mare à carpes.

 … Pour le moment.

 

    Oublier la machine, se taper un horizon d’embouteillage, se ruer sur les somptueuses plages de Port-Barcarès et ses milliers d’accueillants bunkers, retrouver ses copains du camping des pins, siroter un 51 en chatouillant du cochonnet… voilà ce à quoi aspire le péquin lambda. Et qui suis-je pour le décevoir ?

     Moi ? oh rien, t’inquiète, à peine un péquin dzêta.

 

    Ça, les journaleux l’ont bien compris. C’est pourquoi ils s’escriment à nous proposer des thématiques de fond, une réflexion poussée et les clés pour prendre en main notre avenir. Ils jouent leur rôle d’organe démocratique à la perfection, n’en doutez plus.

     Ainsi, je les remercie avec un calme bouillonnant de nous abreuver des résultats du bac ; de la météo ; de l’état des réservations hôtelières ; de la météo ; des soldes et de toutes ces occasions que chaque consommateur digne de ce nom se doit de n’absolument pas manquer ; des drogadictos titillant la pédale à travers nos si charmants pâturages ; des précieux conseils sur la façon de protéger sa peau grâce à des crèmes d’un indice approprié ; de ce brave artisan, dernier de sa génération à produire des sabots en bois dans les alpages ; de la météo ; et j’en passe. Ah oui, et aussi, de la météo.

     Avec de temps en temps, ne soyons pas mesquin, un rappel sur la menace terroriste omniprésente. Faudrait pas que le citoyen oublie la peur qui le tenaille. Sinon, c’est deux fois plus de taf à fournir à la rentrée.

     À ce stade de mon marronnier personnel, Je me dois d’ailleurs de tirer mon capélito virtuel. En effet, renouveler des sujets rabâchés tous les ans depuis l’invention du journal de la tévé se révèle tout un art.

 

    Il me faudrait donc, vous l’aurez compris, un thème simple, rigolo et, surtout, loin de toute polémique.

     Farfouillons donc dans mon sac-à-sujets en peau de lol-chat. Voyons… Fouillfouill. Ah, la sieste ! … Nan, pas d’angle d’attaque ; un autre…Fouillfouill. L’humour ? moueh, les gens, y z’aiment pas bien ça, rire. Ça se saurait. Fouillfouill. L’hymne national… Mmh, nous sommes dans la période propice, mais j’ai peur de m’abîmer dans le côté obscur si je m’y lance.

     Allez, un sujet, quadruple busards ! Fouillfouill. Voyons celui-ci : les chats ? Non p’us, personne n’apprécie ces pernicieux salopiauds. À juste titre.

     Rhaaaaa ! Eh bien, je m’avoue vaincu. Cela s’avère fort complexe et je m’en trouve tout déconfit. Ou plutôt, j’en reste confus telle une cuisse de canard gras dans un cassoul’ de par chez nous. Car je vois poindre la dernière ligne tortueuse de ma chronique et je n’ai toujours pas choisi.

 

     Trêve de gaudriole, je vais cesser dès à présent de vous abuser. Vous l’aurez sans doute déjà deviné, je n’avais strictement rien à dire pour cette chronique. Néanmoins, vu que tout le monde veut ne rien entendre, nous évoluons sur la même longueur d’onde.

     Soyez pourtant rassurés, mes stupéfiants lecteurices : je reviendrai en septembre. Certes, toujours pour ne rien dire mais ce, avec une vigueur et une volonté renouvelée.

 

    Et comme nous le conseillait à bon escient FR3 Nord Pas-de-Calais en 1975, en cas de forte canicule, n’oubliez pas de vous imbiber… de bière ! Jusqu’à 1L5, t’inquiète, c’est sans danger ! Mais pas de la Kro… nan, Nique la Kro !

     Aaaah, la tévé…. c’est p’us c’ que c’était, pour sûr.

 

    Sur ces belles paroles, je vous dis : vous pouvez éteindre votre téléviseur, à tchao, bon lundi… ah mince, c’est pas ma catch-phrase, ça… Et bon été de merde à vous les copains… Ah mince (bis), ça non plus, ce n’est pas ma catch-phrase. Non, ma mienne de moi c’est :

À la revoyure !

Arno


Illustration : A4.Putevie

Chronique à retrouver sur le blog d'Unfamous Resistenza.


[1] Peut-être, au moment où vous lisez ces lignes, le faites-vous sous une pluie battante au cœur de la jungle amazonienne, ou bien perdu dans un brouillard épais sur les pentes du mont Everest. Dans ce cas, sachez que de mon côté, au moment où je les rédigeais, il faisait une chaleur à faire passer un four pour un congélateur.

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